2021 2022 LES VOYAGES IMMOBILES: « Geishas et autres histoires… »

Série

LES VOYAGES IMMOBILES: "Geishas et autres histoires..."

À PROPOS

J’ai démarré ce travail sur le Japon et l’univers des Geishas lors du premier confinement, en découvrant ces photos prises à la fin du XIXe et au début du XXe siècle.
Nous ne pouvions plus nous déplacer, je ne pouvais plus me rendre à mon atelier. Je suis donc revenu au petit format pour pouvoir continuer à travailler chez moi,et me suis mis à faire mes « voyages immobiles ».
L’univers des Geishas est un monde mystérieux propice au fantasme.Il traite aussi d’une société qui se bat pour garder ses traditions.
J’ai commencé des recherches sur le parcours de ces femmes. Pourquoi et comment devient on Geisha?
Cette série vient dans la continuité de celles sur les grandes comédiennes ou Callas. Je suis fasciné par ces êtres capables de créer un autre « moi », une autre personnalité jusqu’à en devenir « création ».
Ma broderie peut ainsi servir cet univers, évoquer la soie ou devenir tatouage.
Ce travail est aujourd’hui toujours en cours et sera présenté été 2022 à Uzés à la grande galerie.

L’esprit Kintsugi d’Olivier Camen

Le Japon est un espace de signes très sensuel et très esthétique, une leçon d’élégance dans la sensualité, disait Roland Barthes. Olivier Camen nous le fait vivre.

Broder, habiller, coudre, agrémenter, chamarrer, orner des photographies comme le fait Olivier Camen semble s’apparenter à l’esprit du kintsugi qui dans la tradition japonaise redonne vie à ce qui a été brisé. Là où les maîtres du Kintsugi avec des fils et des plaques d’or reformaient la porcelaine cassée en la sublimant pour en faire une œuvre nouvelle, Olivier sublime les photographies en nous faisant voir grâce à sa maîtrise du tissage, de la broderie et de la couture les fêlures des êtres photographiés. Qui n’a pas vu la photo de Marilyn endormie, transcendée par l’art d’Olivier ne peut savoir à quel point il nous fait entrevoir les fêlures entre l’innocence du sommeil et l’évanescence de la beauté, l’abandon de la sensualité et les drames à venir de l’amour. Qui a vu celle des enfants d’Izieu réunis dans une photo de groupe où chaque enfant est rhabillé par la patience et la sensibilité d’Olivier ne peut oublier qu’il n’y a pas seulement dans cette photographie des petits juifs assassinés mais aussi des enfants qui jouent, rient, aiment, chahutent, espèrent… Qui verra les œuvres de cette exposition s’enrichira en peu de temps d’une connaissance profonde et vivante du Japon traditionnel. En effet prenant pour base la seule représentation photographiée, l’art de Camen (qu’il aime à dire artisanal), souligne les moments de la vie. Dans une de ses œuvres prise au hasard, la patience du tatoueur rehaussée par sa patience de brodeur nous fait ressentir à quel point la vie est une superposition d’arts : celui de la nature qui nous offre un corps, celui d’un peintre qui nous offre le tableau d’un samouraï, celui d’un tatoueur qui tatoue le tableau sur le dos de l’homme, celui du photographe qui nous offre une mémoire, celui d’Olivier qui relie par ses fils les travaux et les œuvres, qui relit par ses choix l’ensemble de ces histoires.

Tout est là chez Olivier Camen, ce que le photographe a fixé dans l’instant retrouve vie par son travail, par ses travaux d’aiguille, de fils et de tissus.

Mémoire revivifée de l’instant passé, la nostalgie peut être une jouissance, peut-être?

MICHEL AUTHIER